
Depuis 50 ans, Luc Plamondon est l’architecte créateur d’un répertoire de 400 chansons. Le quart de ce legs monumental appartient aux comédies musicales, Starmania et Notre Dame de Paris étant les plus connues. Toutes ses autres chansons ont été interprétées par des dizaines de voix, dont celles de ses fidèles muses Diane Dufresne, Renée Claude et Céline Dion. Véritable sonneur d’une cathédrale de mots, Luc Plamondon est désormais indissociable de la chanson à succès, au Québec et dans la francophonie. Retour sur le parcours de celui qui a donné ses lettres de noblesse au verbe chanter.

MA MÈRE CHANTAIT TOUJOURS
Natif de Saint-Raymond, près de Québec, Luc Plamondon reçoit ses premières leçons de piano de mademoiselle Augustine, l’organiste de la paroisse. Dans l’essai biographique Plamondon, un coeur de rockeur (1988), il se confie à Jacques Godbout : « Chez nous, on n’avait pas de gramophone, ni de disques. Je me souviens de ma mère qui chantait tout le temps dans la maison, elle chantait toujours de vieilles chansons folkloriques ou des airs de Tino Rossi. » Adolescent rebelle, Luc Plamondon étudie au Séminaire de Québec, puis chez les Jésuites. C’est là qu’il se met à la lecture d’Hemingway, Sartre et Camus, tout en se livrant à des exercices d’écriture.
DES MOTS QUI SONNENT
Au sortir des études, Luc Plamondon possède une solide formation humaniste et littéraire, mais ignore encore ce qu’il en fera. Passionné par les langues étrangères, il sillonne l’Europe et l’Amérique, grâce au soutien paternel. Il fréquente les bouquineries et les grands musées, puis fait connaissance avec Monique Leyrac et Diane Dufresne. Dans Monique Leyrac : le roman d’une vie (2019), François Dompierre rapporte les propos du parolier : « Monique Leyrac a été l’une des personnes à l’origine de ma carrière, la première chanteuse à chanter mes chansons. Je lui dois beaucoup. Elle m’a tout appris. »
Déjà épris de chanson, Luc Plamondon fréquente à Montréal la boîte Chez Clairette, où il se lie d’amitié avec Renée Claude et André Gagnon. Il explore aussi le théâtre avec Marcel Sabourin, Paul Buissonneau et Paul Hébert. Godbout relate : « Le premier lui déclare qu’il n’a aucun talent, le second insiste trop sur le mime, le troisième l’accepte parce qu’il affirme vouloir apprendre pour faire “comme Jacques Brel”. » Avant de trouver sa manière d’écrire pour les autres, il imite un temps Brel, Aznavour et Ferré…
Luc Plamondon se positionne d’emblée comme un auteur résolument moderne, ancré dans la contreculture rock des années 1960. Dès Les chemins d’été (1970) – Dans ma camaro… –, son tout premier succès, c’est avec des verbes au futur simple qu’il incarne l’américanité et la liberté de voyager en voiture, jusqu’à San Francisco. En collaboration avec Diane Dufresne, l’interprète de 75 de ses chansons, Plamondon devient un réel parolier de métier. Dans Tiens-toé ben, j’arrive (1972), il cultive avec elle la musicalité du joual, l’expressivité des onomatopées et le jeu des syllabes paires/impaires, en rupture avec les rimes classiques en alexandrins. Aussi est-ce en servant ses interprètes que Luc Plamondon découvre sa propre voie : « Au début, j’ai pensé que j’écrivais en joual, mais en France on m’a persuadé du contraire. On me disait que j’écrivais en français, que la Chanson pour Elvis était en français. Michel Berger, surtout, m’a fait comprendre que le “québécois” est une façon de dire le français. »



DE L’AVENTURE DE STARMANIA À NOTRE DAME DE PARIS
C’est Michel Berger qui prend l’initiative de contacter Luc Plamondon afin de lui proposer de coécrire une comédie musicale originale en français, de style Broadway, avec une distribution franco-québécoise. Starmania, qui s’inspire à la fois du film Metropolis de Fritz Lang et de L’opéra de quat’sous, de Bertold Brecht et Kurt Weill, met en scène un monde futuriste où s’entrechoquent le terrorisme, l’extrême droite, la médiatisation et l’homosexualité. En entretien, un jour de première d’avril 1979, Plamondon explique plus avant sa vision : « Je ne porte aucun jugement. Je dépeins juste la décadence de l’Occident et du XXe siècle. On est à la fin d’un siècle, d’un Moyen Âge probablement, avant la nouvelle ère technologique. »
Le parolier puisera ensuite l’inspiration dans sa formation humaniste, en adaptant à la scène le roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, avec la collaboration musicale de Richard Cocciante. À partir d’une structure de tragédie shakespearienne aux rimes classiques, l’intrigue de cette nouvelle fresque repose sur l’amour impossible de trois hommes pour une jeune et belle bohémienne prénommée Esmeralda. À l’occasion de ce grand concert hommage de l’OSM, quoi de plus naturel que de laisser le dernier mot à Luc Plamondon :
« Celui qui écrit les paroles des vedettes du spectacle est beaucoup plus perçu comme un instrument que comme un auteur responsable. Mais sans le parolier, il n’y aurait pas de mémoire. »