
par Benjamin Goron
Durant les années 1930, une poignée d’artistes afro-américains parviennent à se hisser au sommet de leur art malgré un système social profondément défavorable à leur épanouissement. Exemples de courage, d’engagement et de persévérance, ils constituent autant de modèles pour les générations suivantes tout en ouvrant dans nos horizons artistiques des avenues différentes. Alors que le prochain concert de l’OSM met en lumière une œuvre de l’un d’entre eux, voici quatre figures qui ont été des pionniers dans le domaine de la musique classique, mais qui retiennent également toute notre attention par leur engagement pour les droits des Afro-Américains, la paix ou encore l’égalité entre les êtres humains.
Paul Robeson (1898-1976)


Après un parcours universitaire en droit auréolé d’excellence, Paul Robeson renonce à une carrière d’avocat en raison du racisme quotidien dont il est témoin et se tourne vers le théâtre. En 1925, les États-Unis découvrent une voix de basse exceptionnelle dans la chanson « Ol’ Man River » de la comédie musicale Showboat, ce qui lui ouvre les portes d’une carrière internationale qui culminera avec le rôle d’Othello dans la tragédie shakespearienne à Londres et à New York. Son répertoire comprend autant des arias d’opéra, des negro spirituals que des mélodies populaires. Durant toute sa vie, Robeson dénonce la situation des Afro-Américains et milite pour la paix. Son engagement ainsi que sa proximité avec le parti communiste de l’Union soviétique lui vaudront d’être censuré et interdit de voyager dans les années 1950.
Marian Anderson (1897-1993)

Refusée dans les écoles de musique du fait de sa couleur de peau, Marian Anderson reçoit néanmoins le soutien de professeurs qui constatent son talent vocal exceptionnel. Après avoir remporté le premier prix d’un concours de chant de l’Orchestre philharmonique de New York, elle fait carrière comme chanteuse lyrique, principalement en Europe dans les années 1930 où elle est considérée comme l’une des meilleures contraltos de sa génération. En 1939, alors qu’on lui interdit la location d’une salle de concert à Washington, elle reçoit le soutien de la première dame Eleanor Roosevelt et chante quelques semaines plus tard devant 75 000 personnes. Elle est également la première Afro-Américaine à chanter au Metropolitan Opera en 1955.

Florence Price (1887-1953)


Originaire de l’Arkansas, Florence Price suit un parcours musical admirable qui la conduit, à 23 ans seulement, à la tête du département de musique de la Clark University d’Atlanta. Dans les années 1920, sa famille quitte la région en proie à de nombreux incidents de nature raciale pour s’installer à Chicago. Price embrasse alors la carrière de compositrice, remportant plusieurs prix et s’imposant comme une pionnière dans le domaine. Elle est la première Afro-Américaine à être jouée par un orchestre de premier plan aux États-Unis (Chicago, 1933), et laisse un vaste répertoire avec notamment quatre symphonies, trois concertos, plusieurs poèmes symphoniques et de nombreuses œuvres vocales, pour orgue et pour piano.

William Grant Still (1895-1978)
Après avoir étudié la composition auprès de George Chadwick à Boston et Edgar Varèse à New York, William Grant Still fait d’abord carrière comme arrangeur et orchestrateur pour le théâtre, la radio et les comédies musicales de Broadway. Il compose sa première symphonie en 1930, la première œuvre d’un Afro-Américain à être jouée par un grand orchestre américain (Eastman-Rochester, 1931). Il est également le premier Afro-américain à diriger un grand orchestre aux États-Unis (Los Angeles, 1936). Dans toute son œuvre, Still incorpore des éléments de la tradition musicale afro-américaine au langage classique occidental, et les sujets de ses œuvres sont souvent reliés à la condition de la population afro-américaine aux États-Unis. Il laisse derrière lui cinq symphonies, sept opéras et de nombreuses œuvres de chambre, pour piano et pour le cinéma. Sa Symphonie no 2 « Song of a new race » est en webdiffusion du 20 avril au 4 mai 2021 dans le cadre du concert Barber et Still : sonorités américaines, sous la direction de Thomas Le Duc-Moreau.
