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David Sela et Andrew Wan : quand donner devient une histoire d’amitié

Nouvelles

par Benjamin Goron

En répondant favorablement à la demande du maestro Nagano en 2008, le mécène David Sela ne se doutait pas que l’acquisition d’un violon de 1744 lui ouvrirait la porte d’une amitié sincère et durable avec le violon solo de l’OSM, Andrew Wan. Depuis 12 ans, le mécène et l’artiste partagent leur passion commune de la musique, mais aussi des bons restaurants, au fil des projets et des invitations à travers le monde.

En 2008, l’OSM accueille son nouveau violon solo, le jeune virtuose Andrew Wan. À cette époque, Andrew joue sur un violon prêté par la Juilliard School dont il doit se départir bientôt. Voyant la nécessité de doter son violon solo d’un instrument de premier choix, Kent Nagano contacte alors David Sela, homme d’affaires passionné de musique et violoniste amateur, qui accepte d’acquérir un violon pour Andrew. « Notre premier échange a été par téléphone et, de manière très amicale, David m’a dit qu’il était intéressé à acquérir un instrument qu’il mettrait à ma disposition pour mes besoins professionnels. Nous voulions trouver un instrument qui avait une histoire, un son exceptionnel et qui était en très bon état. »

SAVOIR CHOISIR

Le processus d’acquisition dure une année entière. Après avoir essayé une vingtaine d’instruments parmi les meilleurs au monde, entre New York, Londres et Montréal, le choix d’Andrew

s’arrête sur un violon de 1744 fabriqué par le luthier italien Michel’Angelo Bergonzi et ayant appartenu à Daniel Guilet, membre fondateur du trio Beaux Arts, qui a notamment joué avec Maurice Ravel et Menahem Pressler. Un instrument tout à fait exceptionnel auquel Andrew a trouvé le compagnon parfait : un archet de 1860 signé Dominique Peccatte et prêté par le mécène Roger Dubois de l’entreprise Canimex.

En acceptant de prêter l’instrument à Andrew Wan, David Sela y gagne sur tous les plans : il réalise un investissement de premier choix qui permet à l’instrument de continuer d’être joué et de prendre de la valeur et il permet en outre à l’OSM de se doter d’un instrument exceptionnel au son unique et reconnaissable, que ce soit en concert, en tournée ou sur les enregistrements de l’Orchestre. Il contribue ainsi à l’excellence et au rayonnement de l’Orchestre d’une manière très concrète. Mais au-delà des aspects financier et artistique, il faut également ajouter un aspect humain très important, puisque ce don est le point de départ d’une belle amitié entre David Sela et Andrew Wan.

 

 

MICHELE ANGELO BERGONZI – 1721-1758

Michele Angelo Bergonzi est l’un des représentants de la célèbre tradition des luthiers de Crémone. Fils du luthier Carlo Bergonzi, contemporain d’Antonio Stradivari, Michel’Angelo travaille avec son père jusqu’à la mort de celui-ci en 1747, puis poursuit son travail au sein de la Casa Stradivari jusqu’à son décès précoce en 1758. On retrouve dans sa facture l’influence des plus grands luthiers de la génération précédente, Stradivari et Guarneri del Gesù. L’instrument de 1744 prêté à Andrew Wan fait partie des premiers instruments terminés par le maître luthier de Crémone.

SAVOIR APPRÉCIER

Né en Union soviétique, David Sela a pris des cours de piano et de violon entre 5 et 13 ans, avant de recommencer le violon à 35 ans avec la musicienne de l’OSM Sofia Gentile, puis la violon solo de l’Orchestre de chambre de McGill, Yaëla Hertz. David a également chanté pendant 5 ans avec le Chœur de l’OSM sous la direction de Charles Dutoit, et plus récemment dans la Symphonie « Babi Yar » de Chostakovitch avec Kent Nagano.

Amoureux de la musique, du violon et de l’OSM, David Sela partage maintenant le quotidien de l’OSM à travers son amitié avec Andrew Wan. « Même si nous sommes tous les deux très occupés, nous nous parlons régulièrement. David me donne des conseils hypothécaires, financiers et en retour, je le conseille lorsqu’il veut aller voir des concerts ou trouver des professeurs avec qui étudier. » Les deux hommes partagent également un goût pour les très bons restaurants, où ils se retrouvent parfois pour parler de leurs projets. Ainsi, David a financé les enregistrements de disque d’Andrew et a eu le privilège d’être assis… au centre de l’orchestre lors de l’enregistrement des Concertos pour violon de Saint-Saëns sorti à l’automne 2015.

En entrevue avec Andrew et David, le ton est amical : sourires, clins d’œil et anecdotes fusent. On sent une belle complicité entre l’artiste et le mécène. Une fois David parti, Andrew nous confie : « Je me sens chanceux de pouvoir utiliser un instrument exquis, mais plus encore de connaître David. C’est un grand homme, un véritable amoureux de la musique, et il n’attend rien d’autre que de me voir heureux de jouer et d’évoluer avec cet instrument ».

À l’occasion de la sortie sur disque des Concertos pour violon de Saint-Saëns, on retrouve sur la photo (de gauche à droite) : Marie-Josée Desrochers, Mario Labbé, David Sela, Andrew Wan, Sabina Ratner, Carl Talbot et Maestro Kent Nagano.

SAVOIR REDONNER

« Certaines religions pensent que gagner de l’argent est un péché. Dans la mienne, le judaïsme, gagner de l’argent est encouragé tant et aussi longtemps que l’on redonne de l’argent. Les deux sont vus comme positifs, et donner implique de ne rien attendre en retour. »  Pour David Sela, donner est essentiel. Et parmi les nombreux choix qui s’offrent à ceux et celles qui souhaitent faire un don à un organisme artistique comme l’OSM, chaque type de don a ses spécificités. Ainsi, financer des instruments a des conséquences directes sur la réputation et le rayonnement d’un orchestre, ainsi que sur la vie culturelle et musicale. Cela permet également de bâtir des relations à long terme avec les artistes, tout comme c’est le cas lorsqu’un donateur choisit de parrainer un concert particulier, une œuvre spécifique ou encore le poste d’un·e musicien·ne dans l’Orchestre, pratique courante aux États-Unis. Il existe une formule de don adaptée pour chaque donateur, selon le degré d’implication et de complicité qu’il recherche avec l’Orchestre.

De leur côté, Andrew et David se réjouissent de voir le monde se rouvrir progressivement, prélude à des projets et voyages de toutes sortes. David Sela avait prévu de financer le déplacement du Chœur de l’OSM à Carnegie Hall pour y jouer la Symphonie « Babi Yar », « la plus grande de toutes » selon David Sela, mais la pandémie a eu raison du concert. En attendant que le projet se concrétise, Andrew et David auront le loisir d’en discuter dans l’un de leurs restaurants préférés, entre deux conversations sur le violon !