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Entrevue avec Nathalie Leroux

Entrevues

Le projet OSMose est une initiative de l’OSM, qui vise à faire découvrir la musique classique en milieu scolaire, à des enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ainsi qu’à des enfants de classes régulières. Le projet, qui s’échelonne sur plusieurs années, permet aux élèves d’assister à des ateliers offerts par des membres de l’Orchestre et culminera par la présentation d’un concert à la Maison symphonique, entièrement pensé pour ce jeune public, et particulièrement les enfants à besoins particuliers. Nathalie Leroux s’est jointe au projet à titre de musicothérapeute.

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Q. BONJOUR NATHALIE LEROUX. VOUS ÊTES MUSICOTHÉRAPEUTE POUR LE PROJET OSMOSE. TOUT D’ABORD, POURRIEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER BRIÈVEMENT ET NOUS DIRE EN QUOI CONSISTE VOTRE MÉTIER?

R. Je travaille comme musicothérapeute auprès d’enfants TSA (trouble du spectre de l’autisme) depuis 28 ans. J’ai développé une approche personnelle, que je mets en pratique en milieu scolaire, préscolaire et en garderie, tant auprès d’enfants à besoins particuliers qu’avec les classes régulières. J’ai énormément à cœur l’inclusion et je pense que la musique est un excellent moyen d’y parvenir. Dans le cadre de mon travail, la musique est mon outil, mais mon but n’est pas de former des musiciens. Il s’agit d’accompagner l’individu dans son développement et dans son cheminement. La musique agit comme moteur, comme outil d’expression qui facilite les interactions sociales, particulièrement auprès des enfants TSA pour qui la communication, les habiletés sociales, les expressions et les émotions ne vont pas de soi. La musicothérapie est là pour les accompagner, les pousser un peu plus loin, peu importe qui ils sont et où ils sont rendus.

Q. QUE PERMET LA MUSIQUE QUE LE LANGAGE NE PERMET PAS?

R. Un enfant qui a quelque chose sur le cœur ne nous dira pas qu’il est fâché ou qu’il a vécu quelque chose de difficile à la récréation. Il sait qu’il y a quelque chose qui se passe, mais souvent il n’est pas capable de le verbaliser. Lorsqu’un enfant arrive dans mon local et que je sens que ça bouillonne à l’intérieur, on va se faire un partage au niveau rythmique, avec les percussions, et ça va refléter comment il se sent. Par le biais du jeu musical, il peut canaliser ses émotions et tranquillement, je pourrai le ramener dans un état plus disponible à la communication. Ainsi, il sera plus apte à exprimer l’émotion qu’il ressent et à partir de là, on pourra tenter de régler le problème. La musique vient faciliter tous les codes sociaux. Elle les prend par la main et les amène vers la verbalisation. La musique vient réveiller leur voix.

Q. LA MUSICOTHÉRAPIE EST ENCORE SOUVENT MÉCONNUE. À QUI S’ADRESSE-T-ELLE?

R. À tout le monde – enfants, adultes, personnes âgées – qui ont un intérêt pour la musique. Il y a toujours une façon de connecter avec quelqu’un via un aspect musical. Si je reçois quelqu’un de stressé ou d’anxieux, on va travailler au niveau vocal, respiratoire, au niveau du tonus ou de la posture. Le but est de retrouver une sensation de bien-être. On le sait, la musique, ça sécrète l’hormone du plaisir. En musicothérapie, on utilise la musique pour aider une personne à s’épanouir malgré une épreuve ou à travers un cheminement. Aussi, elle peut se pratiquer en groupe, ce qui offre son lot de possibilités et de bienfaits.

Q. VENONS-EN MAINTENANT AU PROJET OSMOSE. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE QUELQUES MOTS, NOTAMMENT EN CE QUI A TRAIT AUX OBJECTIFS?

R. Je pense que le projet OSMose, c’est vraiment un projet social porté par la musique. Pour moi, l’objectif premier, c’est d’offrir un espace musical et à la fin, un spectacle, où mes élèves peuvent être eux-mêmes et se sentir bien. C’est de leur permettre de découvrir de nouvelles sensations à travers la musique symphonique et de permettre aux familles de vivre ça ensemble, sans crainte de déranger. Les parents savent qu’en participant aux activités OSMose, leur enfant est accepté tel qu’il est et qu’une structure réfléchie lui permet d’apprécier grandement le moment qu’il vit. L’objectif de ce projet social, c’est vraiment d’adopter une approche inclusive de la musique, de façon à ce que la société ouvre ses portes à ces élèves-là. Qu’ils ne soient pas systématiquement en marge de la société et que celle-ci en apprenne un peu plus sur ce qu’est le TSA.

Q. OSMOSE A ÉTÉ PRÉSENTÉ DANS LES CLASSES RÉGULIÈRES ET TSA. QUELLES ONT ÉTÉ LES DIFFÉRENCES DE RÉACTIONS ENTRE LES DEUX CLASSES?

R. Chez les élèves TSA, tout passe par la musique. Quand il y a trop de verbal, ils décrochent, c’est comme si on vous parlait dans une langue étrangère. Mais dès qu’une musique retentit, leur attention revient, ils vivent intensément le moment présent. Dans les classes régulières, les élèves ont beaucoup de questions et il y a plus d’échanges verbaux. Par contre, dans ces classes, le regard de l’autre est plus présent et la gêne peut facilement s’installer si le musicien invité demande de participer. Chez les enfants TSA, il n’y a pas de gêne! Dans les deux classes, une musique que l’élève reconnaît a un plus gros impact sur eux et on va tout de suite les voir réagir.

Q. LES BIENFAITS DE L’EXPÉRIENCE OFFERTE PAR LES MUSICIENS DE L’OSM SONT INDÉNIABLES. MAIS EN RETOUR, QU’EST-CE QUE LES ENFANTS PEUVENT APPORTER AUX MUSICIENS?

R. Je pense que ça leur apporte beaucoup sur le plan humain. Et je pense que ça peut faire travailler leur flexibilité d’enseignement parce qu’avec les élèves TSA, ils n’ont pas le choix de modifier leur approche. Ces enfants-là ne vont pas nécessairement utiliser l’instrument comme on l’utiliserait d’habitude et ça force les musiciens à repenser leur cadre. Aussi, je pense que l’expérience de travailler avec des enfants TSA laisse une trace chez tous les humains et particulièrement chez les musiciens parce que ceux-ci suscitent une vive réaction chez l’enfant

Q. EN QUOI EST-CE QUE LA MUSIQUE PEUT AIDER LES ENFANTS TSA ET DES CLASSES RÉGULIÈRES DANS LE RESTE DE LEUR APPRENTISSAGE SCOLAIRE? COMMENT EST-CE QUE ÇA PEUT LES ACCOMPAGNER OU LES AIDER?

R. Lorsque les élèves TSA passent par mon local de musique ou lorsqu’il y a des ateliers, ils en ressortent plus disponibles pour leurs apprentissages parce qu’ils ont pu canaliser leurs émotions via les instruments. C’est sécurisant pour eux de savoir qu’ils ont cet espace qui leur est accessible. Aussi, l’exploration musicale contribue à briser une certaine rigidité. Les activités de lecture rythmique, par exemple, favorisent leur lecture en général, mais aussi leur coordination et leur mémoire. On peut aussi penser à l’aspect mathématique du rythme. Mais le plus important pour moi, c’est la motivation et l’estime de soi, qui survient lorsqu’on est fier de ce qu’on a accompli. Lorsqu’ils créent quelque chose avec la musique, ils se sentent mieux et sont plus aptes à exceller ailleurs. C’est aussi fascinant de voir que certains élèves réguliers, plus faibles académiquement, ne manquent jamais une journée où il y a musique, car ils se sentent valorisés dans l’aide qu’ils peuvent apporter aux enfants TSA. Quand tu te sens bien, tu te sens bien partout. La musique génère ce sentiment.