Copié dans le presse-papier

Des fondations solides et des débuts fulgurants (1934-1941)

Le 16 novembre 1934, Athanase David, alors secrétaire de la province de Québec, annonce la création de la Société des concerts symphoniques de Montréal, un orchestre au service du public et des artistes canadiens-français. M. David et madame Antonia Nantel jouent un rôle clé dans la fondation de l’ensemble et consolideront rapidement des relations à l’international, notamment aux États-Unis et en France. Le premier concert, sous la direction de Rosario Bourdon, a lieu à l’Auditorium Le Plateau le 14 janvier 1935 et se déroule dans un véritable climat d’euphorie. Différents chefs se succèdent durant la première saison, dont Wilfrid Pelletier, qu’Athanase David et Antonia Nantel convainquent de venir diriger à Montréal, lui qui est alors rattaché au Metropolitan Opera. Il deviendra dès 1935 le premier directeur artistique des CSM. Chef émérite autant que visionnaire, il va établir des bases solides et dessiner le modèle dont découle l’OSM actuel. Parmi les innovations importantes mises en place pendant cette période, on peut retenir :

novembre 1935 : création des Matinées pour la jeunesse, des concerts adaptés aux jeunes mêlant écoute, analyse et initiation aux instruments; une innovation pour l’époque qui sera reprise par le Philharmonique de New York, et toujours en vigueur à l’OSM.

1936 : premier concours de composition, initié par le mécène Jean C. Lallemand

juin 1936 : mise sur pied du Festival de Montréal, dans le but de rejoindre un public toujours plus large; il réunit les musiciens des CSM, des solistes du Metropolitan Opera, les Cathedral Singers et les Disciples de Massenet autour d’un répertoire ambitieux (Passions de Bach, Missa Solemnis et Neuvième Symphonie de Beethoven…)

juillet 1938 : début de la grande tradition des concerts gratuits sur l’Esplanade du chalet du Mont-Royal.

1940 : Création du Prix Archambault, qui deviendra le Concours OSM. Voir la liste complète des lauréats.

Le journal Avenir du Nord mentionnait le 15 octobre 1936, que le Conseil d’administration des CSM nommait officiellement Antonia Nantel, Athanase David et Wilfrid Pelletier membres fondateurs à vie des Concerts symphoniques de Montréal. D’un point de vue artistique, les premières années sont déterminantes. La volonté de mettre en avant seulement les musiciens et chefs francophones cède peu à peu la place à une plus grande ouverture. Le travail du directeur général Pierre Béique porte ses fruits dès la saison 1940-1941, où se succèdent à l’OSM les solistes Arthur Rubinstein, Claudio Arrau ou Nathan Milstein et les chefs Sir Thomas Beecham, Sir Ernest MacMillan et un jeune Belge qui connait un grand succès grâce à sa direction à la fois fougueuse et précise : Désiré Defauw.

L'OSM devient un pôle d'attraction en Amérique du Nord (1941-1961)

Désiré Defauw a fui sa Belgique natale déchirée par la guerre et, après des débuts prometteurs avec les CSM, est nommé directeur musical à partir de la saison 1941-42. Wilfrid Pelletier est alors devenu directeur du Conservatoire de musique tout en occupant des fonctions importantes au Metropolitan Opera, et continuera de diriger fréquemment les CSM. Quelques moments importants accompagnent l’arrivée de Désiré Defauw :

9 octobre 1941 : À l’initiative de Pierre Béique, le chef Bruno Walter vient diriger un concert au profit de l’effort de guerre. Pour l’occasion, des représentants de trois orchestres se sont réunis : les CSM, le Montreal Orchestra et la Symphonie féminine fondée un an plus tôt par Ethel Stark. Brahms, Beethoven et Wagner sont au programme.

mai 1942 : concert des 300 ans de Montréal. Le célèbre pianiste Rudolf Serkin interprète deux concertos et reçoit un accueil chaleureux. Il deviendra au fil des ans un ami de l’Orchestre et du public montréalais.

De son côté, Pierre Béique, infatigable ambassadeur de l’Orchestre, multiplie les voyages et attire les plus brillants solistes et chefs internationaux, nombre d’entre eux étant en exil pendant la guerre. En quelques années, il va ainsi amener à Montréal les chefs Bruno Walter, Igor Stravinsky, Rafael Kubelik, George Szell, Leonard Bernstein, Georges Enesco, Charles Munch, Leopold Stokowski et Otto Klemperer, qui va diriger l’Orchestre plusieurs saisons d’affilée et exercer sur lui une influence profonde.

Parallèlement, Désiré Defauw, qui a connu de riches heures dans la première moitié des années 1940, voit sa popularité décroitre par la suite et reprend peu à peu ses activités en Europe. En 1944, l’Orchestre perd un grand nombre de musiciens dont le violon solo Maurice Onderet, attirés par de meilleures conditions dans l’orchestre de la compagnie France-Film. Les CSM se réorganisent et parviennent, malgré les restrictions des temps de guerre, à se développer : ils continuent de jouer un répertoire romantique tout en touchant aux œuvres contemporaines (Chostakovitch, Stravinsky) et canadiennes (Claude Champagne, Jean Vallerand, Alexander Brott — compositeur et violon solo des CSM dès 1944).

Au sortir de la guerre, le besoin d’une infrastructure solide se fait sentir. Dès 1948, un comité féminin permanent est mis en place, apportant un soutien continu et indispensable à l’Orchestre : campagnes d’abonnements, déjeuners mode, bals et autres activités sociales permettent de promouvoir la cause des CSM, également appuyée par d’autres comités mis en place au fil des ans, dont le Comité des Jeunes en 1955. Ainsi, l’Orchestre s’enracine dans sa communauté tout en affirmant son soutien aux artistes d’ici. En février 1955, le chef russe Igor Markevitch dirige pour la première fois en Amérique et crée une profonde impression. De retour en 1956-1957, il choisit de monter Le sacre du printemps, qu’aucun orchestre canadien n’avait encore interprété. L’exécution est une réussite totale et marque un renouveau contemporain dans le répertoire de l’Orchestre; Markevitch devient directeur musical dès 1957.

1954 : Les CSM changent de nom pour devenir l’Orchestre symphonique de Montréal / Montreal Symphony Orchestra (OSM)

1958 : Le Comité des Jeunes et Igor Markevitch mettent en place un système de commandes annuelles d’œuvres. L’OSM est le premier orchestre canadien à lancer une telle initiative, dont le premier bénéficiaire sera le Torontois Harry Somers, dont la Fantasia for Orchestra sera créée par l’OSM et Markevitch.

automne 1959 : Grâce à la générosité du quotidien The Montreal Star et de son président John G. McConnell, l’OSM met en place les Concert à 1$ au Forum, répondant ainsi à une demande de la population. Markevitch inaugure cette série avec les solistes Maureen Forrester et Richard Verreau.

La fin des années 1950 voit poindre une nouvelle ère dans l’histoire de l’Orchestre. Alors que la construction d’une nouvelle salle de concert débute à la Place des Arts, l’OSM décide d’offrir aux musiciens des contrats annuels au lieu de contrats par concert qui étaient en usage, et bonifie l’offre de programmes en ajoutant aux 12 concerts d’abonnements 8 concerts hors-série. Pour couronner le tout, la série des 4 concerts à 1$ au Forum (actuel Centre Bell) débute à l’automne 1959 et permet à l’OSM de prendre des bains de foule sans précédent. La santé de Markevitch déclinant brutalement en 1960, Pierre Béique doit lui trouver des remplaçants. Parmi eux, un jeune chef indien de 24 ans, recommandé par Charles Munch et Josef Krips, se présente à la barre de l’OSM le 25 octobre 1960. Sa Symphonie fantastique soulève l’enthousiasme des Montréalais qui adoptent cette nouvelle étoile de façon presque inconditionnelle. Zubin Mehta, dont la carrière est alors en plein essor, devient directeur artistique de l’OSM dès la saison suivante.

Contre vents et marées, l’OSM s’affirme et se consolide (1961-1978)

La première saison de Zubin Mehta est très remplie : il dirige lui-même 8 des 12 concerts d’abonnement, reçoit les solistes Alfred Brendel, Marek Jablonski, Yehudi Menuhin ou Pierrette Alarie, ainsi qu’un jeune chef qui vient faire ses premières armes à Montréal, Seiji Osawa. Cette saison a une valeur historique pour le public, puisque l’OSM effectue en mai 1962 la première tournée de son histoire, qui est aussi la première tournée européenne d’un orchestre canadien. Il remporte un succès triomphal à Moscou, Leningrad, Kiev, Vienne et Paris avec les chefs Zubin Mehta et Jacques Beaudry ainsi que les solistes Teresa Stratas et Ronald Turini. C’est le début d’une longue tradition de tournées mondiales pour l’OSM.

Autre grande page dans l’histoire de l’Orchestre, l’inauguration de la Grande Salle de la Place des Arts (renommée salle Wilfrid-Pelletier en 1966) se déroule du 21 septembre au 5 octobre 1963 autour de cinq concerts mémorables : on y retrouve des orchestres invités (Londres, Boston) et de nombreux chefs et solistes de renom (Charles Munch, Georges Prêtre; Rudolf Serkin, Yehudi Menuhin). La direction du premier concert est partagée entre Zubin Mehta et Wilfrid Pelletier, symbole de la continuité historique de l’Orchestre.

De toutes parts, on s’accorde à dire que les qualités acoustiques de la nouvelle salle sont exceptionnelles, ce qui incite l’OSM à proposer une série de productions d’opéras. Au fil des saisons, le public pourra savourer des classiques comme ToscaCarmenLa traviata ou Aïda et entendre les voix de Joan Sutherland, Leontyne Price, Richard Verreau, Jon Vickers, Shirley Verrett ou Joseph Rouleau. Zubin Mehta, que la renommée internationale éloigne de plus en plus de Montréal, tire sa révérence après l’Expo 67 et un beau passage de témoin puisqu’il réunit en un même concert l’Orchestre symphonique de Montréal et celui de Los Angeles, dont il sera directeur musical jusqu’en 1978. Il est remplacé par le chef allemand Franz-Paul Decker, grand pédagogue qui travaille d’arrache-pied pour permettre à l’orchestre de conserver sa stature. Il aura l’occasion de montrer l’étendue de ce travail lors de l’Expo70 d’Osaka au Japon, où l’OSM côtoie les plus grandes formations européennes et remporte un grand succès. L’année 1970 est marquée par le départ de Pierre Béique, directeur général émérite qui a fait de l’OSM l’œuvre de sa vie, et a grandement contribué à façonner son visage actuel.

1970 : Expo70 à Osaka. L’OSM, avec son chef Franz-Paul Decker et les solistes Maureen Forrester et Philippe Entremont, y interprète trois programmes différents, avec des œuvres de Mahler, Prokofiev, Ravel, Bruckner et des Canadiens François Morel et Raymond Murray Schafer.

1970 : célébration du bicentenaire de naissance de Beethoven

1970-1981 : Le chef et pédagogue Mario Duschenes poursuit la tradition de Wilfrid Pelletier en prenant la direction des Matinées Jeunesses.

1973-1974 : une crise financière secoue l’OSM et menace sa survie. Après plusieurs semaines de discussions, la situation se rétablit grâce à des subventions publiques et des dons privés.

La crise financière de l’hiver 1973 est sans précédent dans l’histoire de l’Orchestre : celui-ci annonce la cessation de ses activités, due à un déficit trop important. Après 20 longues journées de discussions et d’inquiétudes relayées dans les médias, l’OSM rétablit ses finances grâce à des subventions publiques, des souscriptions et dons privés, permettant ainsi à la saison de reprendre en janvier. Quelques mois plus tard, l’OSM célèbre son 40e anniversaire en présence du flûtiste Jean-Pierre Rampal. La saison 1975-1976 est marquée par l’arrivée du chef espagnol Rafael Frühbeck de Burgos à titre de directeur artistique. Il va inclure au répertoire de nombreuses œuvres espagnoles et aura le privilège de diriger l’Orchestre lors de son premier concert à Carnegie Hall, le 17 mai 1976 avec la soliste Maureen Forrester. En novembre 1976, suite à un conflit avec le comité des musiciens, Frühbeck de Burgos démissionne et plusieurs chefs sont invités en renfort : parmi eux figure Charles Dutoit, un chef suisse de 40 ans méconnu du public montréalais qui sera amené à écrire une grande page de l’histoire de l’Orchestre.

Veuillez accepter les cookies marketing pour regarder la vidéo.

Préférences cookie

L'OSM à la conquête du monde (1980-2002)

Dès son arrivée à l’OSM, Charles Dutoit exprime à La Presse son souhait de « mettre l’OSM sur la carte du monde », un pari qu’il va réussir en multipliant les tournées et en devenant un acteur majeur dans l’industrie naissante du numérique. En 1980, il signe une entente historique avec la maison londonienne Decca, qui compte alors dans ses rangs les chefs Sir Georg Solti et Vladimir Ashkenazy, et l’OSM devient rapidement une référence grâce à ses enregistrements de musique française et russe. C’est à l’église de Saint-Eustache que les enregistrements sont réalisés, aboutissant dès 1981 au premier vinyle, Daphnis et Chloé de Ravel, qui reçoit un succès international et rafle de nombreux prix.

Sous la direction de Charles Dutoit, l’OSM va enregistrer plus de 80 disques de Ravel, Debussy, Berlioz, Stravinsky, Tchaïkovski mais aussi Franck, Saint-Saëns, Ibert, Bizet ou Chausson, qui vont traverser le monde et devenir des références pour des générations de mélomanes.

À ce succès discographique s’ajoute une cadence de tournée mondiales qui s’intensifie, plaçant peu à peu l’OSM dans le circuit des grands orchestres internationaux. Entre 1981 et 2000, l’OSM effectue plus de 30 tournées en Amérique du nord et du sud, en Europe et en Asie. Ce sont souvent des tournées longues et épuisantes, mais elles contribuent grandement à la reconnaissance internationale de l’OSM.

1980-81 : le contrat entre l’OSM et Decca aboutit à une série d’enregistrements sur vinyle puis sur CD qui diffuse le son de l’OSM à travers le monde et devient une référence dans le milieu musical.

1984 : L’année des 50 ans de l’OSM est très chargée : en plus de la saison régulière, d’une tournée à travers le Canada et d’une autre en Europe, l’OSM fête son jubilé d’or en grandepompe avec la Symphonie « des Mille » de Mahler au Forum qui attire plus de 30 000 personnes en deux jours. L’Orchestre participe également au Festival de jazz de Montréal avec le pianiste Oscar Peterson!

Ce rayonnement international va de pair avec une implantation dans la communauté québécoise. L’orchestre sort de la salle de concert pour aller à la rencontre de la population. De grandes œuvres chorales sont programmées l’été dans la Basilique Notre-Dame, l’OSM joue au Complexe Desjardins, dans des centres commerciaux ou encore dans les parcs et prend part aux activités du Festival de Lanaudière et du Centre des arts d’Orford. Plusieurs de ces initiatives sont encore en cours aujourd’hui.

Pendant les années Dutoit, les meilleurs chefs, orchestres et solistes du monde passent par l’OSM. Citons les chefs Kurt Masur, Mariss Jansons, John Eliot Gardiner, Neville Marriner, Seiji Osawa, Mstislav Rostropovitch et les solistes Maurizio Pollini, Maurice André, Martha Argerich, Yo-Yo Ma, Itzhak Perlman, Jessye Norman, Luciano Pavarotti, Krystian Zimerman, Cecilia Bartoli, Isaac Stern, Leontyne Price, Claudio Arrau, Alicia de Larrocha, Daniel Barenboim entre autres. En 2002, à la suite de conflits avec certains musiciens et d’un climat de tension qui règne depuis plusieurs années, Charles Dutoit donne sa démission. Malgré ce départ soudain, il laisse un orchestre parmi les meilleurs au monde et une institution en bonne santé financière.

Au cœur de la communauté (2002-2020)

Après un intérim assuré avec brio par Jacques Lacombe, Kent Nagano prend la barre de l’OSM qui, après une éclipse de six ans, renoue avec les tournées internationales. En 2011, événement majeur, l’OSM inaugure la Maison symphonique, une salle à l’acoustique enfin digne de son résident. Trois ans plus tard, le Grand Orgue Pierre-Béique est dévoilé au public de mélomanes. Tandis que l’OSM connaît ses premières webdiffusions sur différentes plateformes, il continue à enregistrer et décroche un Diapason d’or pour l’enregistrement de L’Aiglon. Parmi les réalisations dont Kent Nagano et l’OSM peuvent se montrer fiers, notons les tournées au Nunavik en 2008 et en 2018, la mise sur pied du programme La musique aux enfants, la création du festival la Virée classique et, à l’été 2018, la toute première présence de l’OSM au célèbre Festival de Salzbourg!

Rafael Payare et les musicien.nes de l’OSM au Palais des Beaux-Arts, Bruxelles le 27 octobre 2022 ©AntoineSaito

Depuis 2021

En janvier 2021, l’OSM annonce en grande pompe la nomination de Rafael Payare comme nouveau directeur musical de l’OSM, succédant ainsi à Kent Nagano, qui sera nommé chef d’orchestre émérite un mois plus tard. Sous l’égide du nouveau chef vénézuélien, l’Orchestre effectue en 2022 et 2023 des tournées internationales, avec des prestations en Corée du Sud, dans les grandes capitales européennes, ainsi qu’aux États-Unis, notamment pour un 45e concert au mythique Carnegie Hall. L’OSM enregistre également ses deux premiers albums avec Rafael Payare, présentant notamment la Cinquième Symphonie de Mahler et Une vie de héros de Richard Strauss. Ces enregistrements marquent le début d’une collaboration de plusieurs années avec l’étiquette Pentatone.